L’intégralité des cessions de titres de sociétés agricoles et notamment viticoles, et autres modifications du capital social induisant une prise de contrôle d’une Société et un agrandissement excessif, seront dorénavant contrôlées par les SAFER (loi du 23 décembre 2021).

L’ADOPTION DE LA LOI

Après de vifs débats, la loi « portant mesures d’urgence pour assurer la régulation de l’accès au foncier agricole au travers de structures sociétaires » (dite « loi Sempastous » du nom du député à l’origine de sa proposition) a été promulguée le 23 décembre 2021 (texte n° 2021-1756) et publiée au Journal officiel le lendemain.

QUE PREVOIT-ELLE ?

En réponse à l’essor du marché des parts de sociétés agricoles, qui échappe aujourd’hui en grande partie aux « filtres » actuels que constituent :

  • le contrôle administratif des structures des exploitations agricoles (ce contrôle ne s’applique que lorsque l’agrandissement résulte d’un rachat, par une personne physique, de parts d’une société à objet agricole et si cette personne participe effectivement aux travaux : CE, 30 nov. 2021, n° 439742) et,
  • l’intervention des SAFER (celles-ci ne peuvent agir sur le marché sociétaire que de façon très limitée puisque leur droit de préemption ne peut s’exercer qu’en cas de cession à titre onéreux de la totalité des parts ou actions d’une société ayant pour objet principal l’exploitation ou la propriété agricole : art. L. 143-1, 8ème alinéa, du code rural),

cette loi instaure un dispositif, inédit en Europe, de « contrôle administratif » (il ne s’agit pas d’un droit de préemption) dédié au marché sociétaire et portant plus spécifiquement sur certaines prises de participation au capital d’une société possédant ou exploitant des biens immobiliers à usage ou à vocation agricole, ceci afin de mieux réguler la cession des terres agricoles via des parts ou actions d’une telle société.

POURQUOI UNE TELLE REGULATION ?

La régulation du marché sociétaire a principalement pour objectif de favoriser l’installation d’agriculteurs et le renouvellement des générations agricoles en luttant contre la concentration excessive des exploitations et l’accaparement des terres agricoles.

QUAND S’APPLIQUE T’ELLE ?

La loi prévoit le déclenchement d’un mécanisme de contrôle à deux conditions cumulatives :

  • l’opération sociétaire doit conduire à une prise de contrôle d’une société possédant ou exploitant des biens immobiliers à usage ou à vocation agricole
  • l’opération doit aboutir, par addition de toutes les surfaces agricoles possédées ou exploitées par le déclarant, à dépasser un seuil en surface défini par le préfet de région compris entre 1,5 et 3 fois la SAURM (surface agricole utile régionale moyenne) fixée dans le SDREA.

QUELLES SONT LES OPERATIONS EXCLUES ?

Les parlementaires ont exempté de ce contrôle :

  • les opérations sociétaires réalisées par les SAFER et
  • les cessions de parts entre époux ou personnes liées par un pacte civil de solidarité et entre parents ou alliés jusqu’au quatrième degré inclus (cousins germains), à condition que le cessionnaire s’engage à participer effectivement à l’exploitation des biens et à conserver la totalité des titres sociaux acquis pour une durée d’au moins neuf ans. – les opérations réalisées à titre gratuit (donation) ainsi que les cessions entre exploitants associés de longue date.

COMMENT FONCTIONNERA CE NOUVEAU DISPOSITIF ?

La loi Sempastous a chargé les SAFER d’assurer (via un portail de télédéclaration) :

  • la transparence du marché sociétaire (obligation déclarative pour toute cession de parts de société détenant en propriété ou en jouissance des biens immobiliers à usage ou à vocation agricole ou détenant des droits sur de telles sociétés et pour toute opération emportant modification de la répartition du capital social ou des droits de vote et aboutissant à transférer le contrôle d’une telle société) et
  • l’instruction des demandes d’autorisation des opérations sociétaires (celles remplissant les conditions cumulatives précitées) : cette instruction sera faite au nom et pour le compte de l’Etat et sous son contrôle.

Si l’instruction par la SAFER conduit l’Etat à considérer, après mise en balance des intérêts en présence, que la satisfaction des demandes d’installation en attente ou des besoins exprimés de consolidation des exploitations existantes est supérieure au bénéfice que peut présenter l’opération sociétaire au développement du territoire, le préfet de département proposera au déclarant, à titre conservatoire, avant de s’opposer à l’opération, qu’il consente à s’engager à prendre des mesures compensatoires en libérant du foncier, à la vente ou à la location, à destination d’un agriculteur réalisant une installation ou, à défaut, à un agriculteur ayant besoin de consolider son exploitation. Le texte laisse au déclarant le choix de réaliser lui-même ses engagements ou de solliciter l’appui de la SAFER pour les mettre en œuvre via une promesse de vente ou de location.

Au vu des mesures compensatoires proposées par le déclarant et de l’avis de la SAFER sur celles-ci, le préfet de département prendra une décision : il pourra soit :

  • autoriser sans condition l’opération,
  • autoriser celle-ci en la subordonnant à la réalisation effective des engagements librement consentis par le déclarant, soit refuser l’autorisation en l’absence d’engagements ou si ceux-ci sont manifestement insuffisants ou inadaptés.

Si les engagements qui conditionnent l’autorisation ne sont pas exécutés dans le délai imparti (6 mois), le Préfet pourra, après mise en demeure, retirer l’autorisation, entraînant la nullité de la cession. Une sanction pécuniaire pourra s’y ajouter.

QUAND CE DISPOSITIF DOIT-IL ENTRER EN VIGUEUR :

L’entrée en vigueur se fera en 3 étapes :

  • au plus tard le 1er juillet 2022 le Gouvernement doit fixer, par décret en Conseil d’Etat, les conditions d’application du contrôle administratif du marché sociétaire ;
  • au plus tard le 1er novembre 2022, chaque préfet de région doit arrêter le seuil d’agrandissement significatif applicable dans sa région ;
  • au plus tard le 1er janvier 2023, le groupe SAFER doit mettre en place un portail de télédéclaration pour recevoir les informations déclaratives et les demandes d’autorisation sur les opérations sociétaires, que celles-ci interviennent avec ou sans le concours d’un notaire.

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Source : https://www.safer.fr/actualites/actualite/loi-portant-mesures-durgence-pour-assurer-la-regulation-de-lacces-au-foncier-agricole-au-travers-de-structures-societaires-dite-loi-sempastous/

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