Le cabine de Maître Cynthia LEFEUVRE n’est pas peu fier d’avoir obtenu cette décision de justice du 6 février 2019, qui permet aux professionnels libéraux, qu’ils soient médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes, masseurs-kinésithérapeutes, infirmiers et autres professionnels de santé, d’être protégés par leurs propres règles déontologiques vis-à-vis des tiers.
Par un arrêt du 6 février 2019, la Cour de Cassation vient de rappeler que le contrat tendant à l’insertion d’un encart publicitaire dans un répertoire familial pratique d’urgence pour un professionnel ostéopathe – et donc soumis à un code de déontologie lui interdisant tous procédés directs ou indirects de publicité – est nul en raison du caractère de son objet.
Au cas d’espèce, notre cliente, une jeune diplômée en ostéopathie avait souscrit, dans le cadre d’un démarchage sur son lieu de travail, un bon de commande concernant l’insertion publicitaire dans le répertoire familial pratique d’urgence local au dos duquel figurait les conditions générales de vente mais ne comprenant aucune indication sur un éventuel droit de rétractation.
Réalisant le caractère illicite du contrat qu’elle venait de signer en raison de ses obligations déontologiques liées à l’exercice d’une profession règlementée, celle-ci l’avait dénoncé dès le lendemain par courrier recommandée avec accusé de réception.
Ne tenant pas compte du courrier de rétractation, et malgré le fait que le « bon à tirer » ne lui avait pas été retourné avec la mention « bon pour accord », le publicitaire poursuivait l’exécution et facturait l’ensemble des prestations.
En première instance, le tribunal de Libourne donnait raison à l’ostéopathe considérant que :
- Le publicitaire professionnel n’était pas en mesure de rapporter la preuve d’avoir parfaitement communiqué à sa cliente ostéopathe (aussi ignorante en matière de publicité que n’importe quel autre consommateur) préalablement à la conclusions du contrat signé hors établissement, l’ensemble des informations concernant le caractère illicite du contrat au regard du code de déontologie des ostéopathes et l’absence pour le professionnel agissant dans le cadre de son activité principale, du bénéfice d’un délai de rétractation qui lui aurait permis de prendre la mesure de l’étendue de son engagement et d’en envisager toutes les conséquences,
- Le publicitaire ne justifiait pas d’une cause étrangère susceptible de l’exonérer de la responsabilité qui lui incombe de ce manquement aux obligations légales mises à charge notamment de l’article 221-5 du code commerce.
La Cour de Cassation saisie du litige, confirme et rejette le pouvoir formé par le publicitaire et rappelle opportunément que l’objet d’un contrat doit être licite à peine de nullité.
Constatant que l’article 21 du code de déontologie de l’ostéopathe interdit tous procédés directs ou indirects de publicité, la Haute Cour considère que le contrat tendant à l’insertion d’un encart publicitaire dans un répertoire familial pratique d’urgence pour un professionnel ostéopathe est nul en raison du caractère illicite de son objet.
Cette décision est d’autant plus intéressante que dans les derniers arrêts qu’elle avait publiés, la Haute Cour refusait d’opposer les règles déontologiques aux tiers, jugeant implicitement qu’elles n’étaient pas d’ordre public (cf. en ce sens : Civ. 3ème, 26 avril 2017, n° 16-14.036 et Civ. 1ère, 9 juin 2017, n° 16-17.298). En d’autres termes, cela signifiait que les règles déontologiques n’avaient pas vocation à protéger le praticien contre les tiers.
Cette décision vient donc apporter une sécurité pour tous les professionnels libéraux soumis à des règles déontologiques et nous enseigne qu’une règle déontologique a été, par l’effet du contrôle de la licéité de l’objet, placée au même rang qu’une règle légale, et même qu’une règle d’ordre public.